Aujourd’hui c’est avec un immense plaisir que je vous propose ce portrait. Celui d’un entrepreneur d’origine suédoise, arrivé en France en 2017 pour laisser place à sa créativité et son talent. Découvrez au travers de son parcours le metier de designer graphique.
Des origines suédoises de skieur et une âme d’artiste

Jesper Wiklund nous vient de Skellefteå, une ville à taille humaine (environ la superficie de Bayonne) située un peu plus au nord de Stockholm.
Né en 1993 il réalise la majeure partie de sa scolarité chez lui, jusqu’à l’âge de ses 20 ans.
Il suit un cursus « classique » équivalent à notre lycée général français, avec cependant des options déjà bien orientées : la production médias, film et radio.
Ces options s’étalent sur ses deux dernières années de lycée et il ajoute à cela un semestre en option graphisme.
Passionné depuis tout petit par le Ski freestyle, il pratique à haut-niveau. Il inscrira d’ailleurs son nom dans les start-lists de compétitions locales, à côté de celui de futurs olympiens et stars de la discipline. Son amour pour le contenu vidéo rejoint à la perfection sa passion pour le ski. Ainsi, avec sa bande de potes ils feront pas mal de courts métrages de qualité sur leurs exploits, et cela, déjà avec une touche très artistique.
« À cette époque on vivait vraiment dans un environnement et un vibe de rêve, et tout se liait à la perfection : ski, musique, vidéos, streetart et mode, on baignait dans notre élément. »
Une motivation debordante.
Dès qu’il termine l’équivalent du lycée à l’âge de 18 ans, il prend la décision d’aller bosser dans l’extrême nord norvégien. L’objectif étant de remplir les caisses pour préparer un road trip ski et vidéo. Avec sa bande, ils s’installent dans un petit sous-sol dortoir à côté de l’entreprise de grande distribution dans laquelle ils travailleront en tout plus de 10 mois repartis sur deux ans.
Il passe son permis pour conduire les petites machines, et fait de la préparation de commandes. Un boulot super bien payé dans une région très sombre du globe où il fait nuit 6 mois de l’année. Ils ne pouvaient pas rêver mieux pour remplir les comptes en banque et commencer à rêver ski et photos.
Déjà dans ce contexte particulier de skieur nomade, il comprend rapidement qu’il lui faudra plus tard un boulot lui permettant de travailler de n’importe où pour continuer sa passion. Photographe, restaurateur, cadreur… pleins d’idées lui viennent en tête. Mais pour l’instant, il est temps de se concentrer sur son manitou et ses commandes.
Il est toujours présent quand il y a possibilité de faire des heures supplémentaires et bosse du matin au soir, en ramenant de la bouffe du boulot quand il en a l’occasion.
Après le premier automne passé, ils réservent ensemble les billets pour le Colorado dans l’espoir de rider la mythique station de Breckenridge pendant deux mois. Ils veulent ajouter au trip un voyage depuis Breck jusqu’en Californie pour pouvoir rider un autre spot.
Des batons dans les roues.
Alors que tout se met en place, notre skieur suédois se casse le genou quelques semaines avant le départ. Il doit donc annuler son vol, et regarde ses potes partir. Un premier coup dur qu’il considère aujourd’hui comme un gros tournant dans sa vie.
Après une intense rééducation dans laquelle il met tous ses efforts en place pour revenir au meilleur niveau, il parviendra à rejoindre ses amis pour la deuxième partie du trip en Californie. Un mois de pur bonheur, et de leçons de vie.

Reculer pour avancer.
Malheureusement, malgré le bon temps passé, il sent bien qu’il ne pourra plus jamais avoir les mêmes sensations sur ses skis. Beaucoup de sportifs ressortent physiquement plus forts de leurs blessures, mais ça ne sera pas son cas. Il arrivera cependant à mettre sa frustration de côté malgré une période extrêmement difficile. Il en ressortira d’ailleurs bien plus fort mentalement.
Lors de son retour des US, il prend la grande décision de partir seul en Australie pendant un an. Son objectif est d’apprendre à surfer, et découvrir de nouvelles sensations de glisse moins traumatisantes pour son genou. C’est clairement ce voyage qui va changer sa vie, et surtout sa perception du monde qui l’entoure.
Il ouvre les yeux, et découvre toutes les autres richesses de la vie auxquelles il n’avait accordé que peu de valeur jusqu’à maintenant. Cette aventure va définitivement lui apprendre à toujours voir l’aspect positif des choses. Ainsi, il se forge un mindset solide, indispensable pour ce qui l’attend.
« La seule chose qui peut te freiner, c’est ton mental, si tu vis le moment présent à 100%, tu prendras toujours du plaisir dans ce que tu fais.» Nous dit-il avec son français presque parfait.
Se redécouvrir.
Il se sociabilise bien plus que ce qu’il avait fait jusqu’à aujourd’hui et s’épanouie artistiquement avec la photo et l’art. Le fait d’être en Australie, à des milliers de kilomètres de ce qu’il connaissait jusqu’à maintenant, vas lui faire découvrir qui il est réellement. Sans l’influence des potes, de la famille, de sa ville et de la culture suédoise. Il laissera le jeune Jesper dans sa ville natale pour apprendre à se connaitre.
« J’étais le petit Jesper, qui était toujours là où on l’attendait. Sorti de ce contexte et face au monde extérieur, j’avais l’opportunité de découvrir qui j’étais réellement. En suivant mon feeling, je devenais petit à petit moi-même. »
Un voyage qui changera tout.
Il devient accro à la photo. La nature, l’architecture et les voyages l’inspirent. La photographie l’a amené dans une direction où il paie attention aux détails dans tout ce qu’il regarde. Quand il observe une maison il est capable de rester focus sur une petite fenêtre pendant plusieurs minutes. Et quand il repense aux fjords de son pays natal, il se souvient des lignes du glacier qui plongeait dans l’eau glaciale.
Il recherche la perfection dans l’association des éléments, les couleurs, les formes et les rythmes. La photo lui permet d’immortaliser le moment présent, celui auquel il accorde tant.
« La vidéo, c’est 24 images par seconde, tu ne peux pas chercher la perfection. Dans une séquence vidéo, la perfection est en réalité cachée dans l’imperfection de l’unité. Tandis que la photo, c’est un moment unique, et à ce moment-là, les différents éléments doivent être en symbiose parfaite. »

Il mentionnera à 10 reprises dans cette interview que la photographie l’a poussé, et amené plus loin. Il repère de plus en plus facilement les distinctions entre les éléments importants et valorisants d’une scène fixe. Son cerveau est à 200% créatif et concentré sur le visuel statique.
Plus tard, dans la création de logos, une de ses activités principales, il utilisera justement ces competences. Ne pas en mettre trop, mais en mettre juste assez et trouver la bonne harmonie.
Après ce voyage en Australie, il parcourt l’Indonésie avant de rentrer en Suède pour six mois avec sa petite amie. Ils se lancent dans la renovation d’un van pour assouvir leur désir nomade, et se laissent le temps de trouver l’endroit idéal pour s’installer.
A la recherche de l’endroit idéal.
Ils partent alors du village natal de notre futur entrepreneur et descendent au sud des landes françaises, à la recherche du lifestyle australien.
Ils passent la moitié de leur temps dans le pays basque pour surfer, et tombent amoureux de la région.
« J’ai retrouvé le vibe australien de la côte Est. Des gens chaleureux, du bon surf avec en plus de ça des villes remplies d’histoires et de magnifiques bâtiments. Le pays basque est l’endroit idéal, entre océan, montagnes et villes de caractères. C’est décidé, je m’installe ici. »
Il rajoutera plus tard, qu’il aime les saisons européennes. Le froid de l’hiver et la chaleur de l’été, chose qui manque au pays des kangourous.
Il décide de démarrer des cours en correspondance sur l’art digital et le web design. Il finira même par s’inscrire dans un cursus de 3 ans portant sur le design graphique, le développement web et design d’interaction.
Le déclic.
Il comprend rapidement qu’il va falloir trouver un moyen de payer son loyer et ses frais, pour continuer de vivre le rêve d’étudiant basque. Il commence par bosser en restauration chez « Bonheur », une petite place qui sert des burgers délicieux sur Biarritz. Le restaurant sera plus tard un de ses clients les plus importants.
Pendant qu’il travaille et étudie, il commence à prendre confiance dans ses compétences techniques de designer graphique et se demande s’il ne serait pas temps de commencer la pratique en trouvant quelques clients.

« Les études m’ont appris les logiques du métier, et pour ce qui est du technique et manipulation de logiciels, c’est avec YouTube et la pratique que j’ai pris de l’expérience »
In design, Photoshop, Illustrator et WordPress sont les outils clefs de notre entrepreneur. Il apprend de lui-même en cherchant les solutions sur internet dès qu’il rencontre un problème. Une fois le problème résolu, il avance et en rencontre un second. Il fera de même pour le résoudre, en prenant soin de se souvenir des solutions de chaque étape. Cette méthodologie d’une logique frappante lui permettra de prendre en main les logiciels de la suite Adobe, et de s’approprier les différentes plateformes.
« Je tapais tout le temps le nom du problème + tutoriel, et trouvait toujours la solution. En tant que designer graphique, je choisis tout le temps la vidéo qui a la meilleure miniature. I always judge the book by the cover ! »
Son premier client.
Une première opportunité se présente. Une petite boite de charpenterie avait besoin d’un site internet. Avec sa copine qui bossait alors déjà pour eux en communication, ils proposent un package pour la création de contenu et la construction du site web. Avec la barrière de la langue, c’est un challenge de plus pour Jesper. Présenter, modifier, et vendre son travail en français, c’est quelque chose auquel il va devoir s’habituer (surtout pour le vocabulaire technique) ! Finalement, la communication se fait à merveille, et ça sera un premier retour client fantastique qui lui donnera encore plus de motivation pour la suite.
Entre le boulot en restauration, et les premiers clients qui se profilent, notre suédois arrive facilement à joindre les deux bouts. Il réussi à payer son loyer ainsi que ses charges et continue de suivre ses cours. Grâce à un gros carnet d’adresse suédois, il trouvera rapidement de nouveaux clients.
Sa strategie.
Sa stratégie ? Cibler les petites entreprises et autoentrepreneurs en proposant des tarifs fixes et raisonnables sur une liste de prestations différentes. (Logos, site web, éléments imprimés, flyers, carte de visite…)
Il s’enregistre donc à l’Urssaf, arrête de bosser pour Bonheur en cuisine, et profite du levier du chômage pour démarrer sa boite.
« C’est une chance en France de pouvoir toucher le chômage, même en démarrant une activité d’autoentrepreneur. En Suède c’est impossible ! Il ne faut donc pas s’assoir sur ce dernier mais plutôt profiter de cette situation comme un levier de financement confortable et non négligeable pour se lancer. »
Au bout d’un an et demi, il arrive à remplir son agenda à temps plein, compléter son portfolio et se donner un élan de confiance.
Un choix décisif.
Un choix s’impose à lui, celui de continuer les études et refuser certains clients, ou bien se lancer à 100% dans son activité.
Il décide donc d’achever ses études en plein milieu et se dédie à fond dans sa boite. À l’heure où je vous parle, alors que son business tourne bien, il viendrait tout juste de terminer son cursus.
L’expérience professionnelle lui a donné bien plus de challenges, et lui a permis d’évoluer plus rapidement et il ne regrette en rien son choix.
« Ce que j’aime dans le design graphique, c’est qu’il n’y a pas de vrai ou faux, c’est pourquoi tu dois absolument avoir confiance dans ce que tu fais. Par exemple quelqu’un qui s’occupe de la réception d’un hôtel, il peut rapidement savoir si il a bien fait son travail. Si il a répondu au téléphone, enregistré les clients et donné les clefs des chambres. Mais dans la création, ce que tu fais n’a jamais était fait à l’identique auparavant. Tu dois donc toi-même définir ce qui est bien fait de ce qui ne l’est pas, et c’est ce qui rend ce métier vraiment intéressant »
Aujourd’hui il compte plus de 25 clients pour lesquels il a travaillé. La majorité, environ 80%, sont suédois. Cependant, en terme d’heures de travail et de chiffre d’affaire on est plus sur du 50-50 puisqu’il a beaucoup travaillé avec Bonheur et Joie, deux restos dont le patron l’avait embauché en cuisine un peu plus tôt. Il travaille encore aujourd’hui sur leur image web ainsi que leur identité visuelle (design de logos, palette couleur, carte de visite etc…).
Il a de toute évidence réussi son objectif, celui d’avoir un travail qui lui permet de bosser à distance, mais il préfère tout de même la proximité.

« C’est toujours agréable de pouvoir boire un café avec le client lors d’un rendez-vous affaire, de toucher et voir le résultat des éléments imprimés, regarder le produit final et avoir le retour client en direct »
Un style en perpétuelle évolution.
Lorsque je lui demande comment il définirait son style il me répond qu’il en est toujours à la recherche. Ne pas être arrivé quelque part, c’est ce qui lui permet sans cesse d’évoluer et de faire la découverte de nouvelles inspirations. Mais s’il devait vraiment se mettre dans une case, il pencherait pour le minimalisme et le fonctionnalisme.
Mais qu’es ce que réellement le minimalisme ?
« Tu prends les éléments d’une scène, tu les identifies et fait la distinction entre les différentes formes et couleurs… Tu cernes l’émotion et le message que cette scène te renvoie. Puis tu mets les éléments sur le côté et essaie de reconstruire la scène avec moins d’éléments. Seulement ceux qui te permettent de vraiment dégager le même message et conserver cette même émotion. Avec le minimalisme, finalement le message est encore plus fort et clair. »

Un nouveau défi.
Aujourd’hui, Jesper se lance un nouveau défi, celui d’apprendre à dessiner à la main. Retourner aux bases de l’analogue pour ensuite pouvoir transmettre ça au digital. C’est plus facile de corriger les erreurs sur l’ordinateur, mais à la main il découvre le réalisme. Il découvre alors qu’il peut mieux exprimer ses idées. Finalement il espère pouvoir ajouter à son style un peu d’abstrait, de courbes non parfaites et sortir de ces formes purement géométriques.
La création devient alors vraiment personnelle et lui offre beaucoup de leviers, surtout en terme de perception et proportions. C’est pour lui la meilleure façon de s’exprimer. Il découvre un nouvel art qu’il trouve très amusant. La sensation transmise est différente.

Son image.
Pour se faire connaître, il utilise principalement les réseaux sociaux, le bouche à oreille ainsi que son site internet. Pas de LinkedIn pour notre entrepreneur qui communique avec ses clients grâce à Facebook.
« Facebook me permet de toucher la génération précédente, je crois que de communiquer en direct avec eux les rassure plutôt que de les laisser naviguer sur mon site internet. Je me sers aussi d’Instagram pour présenter mon travail, et j’utilise Pinterest comme source d’inspiration. »
Côté suédois, il trouve la majeure partie de ses clients via « Nyforetagarcentrum Skelleftea », une organisation privée qui donne des conseils gratuitement aux jeunes qui veulent lancer leur business. Il finira même par réaliser le site web de l’organisation.
Sur la côte, Il se balade toujours avec des cartes de visite sur lui, car on ne sait jamais, les clients sont partout.
Son site web : https://www.theshaperdesign.com/
Les conseils de Jesper :
- La confiance, c’est primordial dans ce métier, c’est nécessaire pour avancer et se sentir prêt à attaquer un travail et à savoir quand celui-ci est achevé et prêt pour le client
- Il faut être prêt à travailler dur, toujours évoluer et bouger, mais surtout faire des projets qui te plaisent et suivre ton feeling. Si tu préfères dessiner à la main, même si ça te prends plus de temps, alors fais le. Amuses toi et sans aucun doute tu feras un travail de qualité qui plaira à tes clients.
Les livres qu'il recommande :
Einstein’s Dreams – Alan Paige Lightman
Resumé : On a tout dit d’Albert Einstein, l’inventeur de la relativité. Son génie, son intuition, ses travaux, sa vie. Mais qu’en est-il du processus même de sa recherche, ses tâtonnements ? Tout cela méritait un roman, un récit, un poème et le voici. A. Lightman marie l’exactitude de la poésie et la rigueur de la science.
Disponible uniquement en anglais sur Amazon.
Titre Français : Quand Einstein rêvait
Le dessin et la forme – Johannes Itten
Livre de design.
Le cours préaratoire de Johannes Itten au Bauhaus.
Thèmes abordés : Clair-obscur / Enseignement de la couleur / Etude de matières et de textures / Etudes des formes / Rythme / Formes expressives / Formes subjectives
L’alchimiste – Paulo Coelho
Santiago, un jeune berger andalou, part à la recherche d’un trésor enfoui au pied des Pyramides.
Lorsqu’il rencontre l’Alchimiste dans le désert, celui-ci lui apprend à écouter son cœur, à lire les signes du destin et, par-dessus tout, à aller au bout de son rêve.
Merveilleux comte philosophique destiné à l’enfant qui sommeille en chaque être, ce livre a déjà marqué une génération de lecteurs.
Les séries qu'il recommande :
- Genious S02 – Serie portant sur la vie de Pablo Picasso
- Rick & Morty
- Workaholics
Note de la rédaction :
Il s’agissait là d’une des interview les plus agréable à réaliser. Jesper est un veritable artiste qui sait utiliser les bons mots pour transmettre sa passion. J’espère avoir réussi à retranscrire les émotions de ses réponses au travers de cet article (sans jeux de mots). Merci à vous pour la lecture, réagissez en commentaire !
Retrouvez les articles de sans cravate pour vous accompagner dans votre aventure !
À bientôt !
2 réflexions sur “Devenir designer graphique – Portrait de Jesper Wiklund”
Les articles portraits sont hyper intéressants et très bien écrits ! Super cool de pouvoir en apprendre sur le parcours des autres, c’est très inspirant ! J’ai hâte de lire le reste 🙂
Merci à toi Noellie !